(mise à jour du 19/11/2025)
Comme pour les sujets budgétaires nationaux, il est pertinent qu'une analyse se concentre d'abord sur "les grandes masses" financières. Ici, nous nous concentrerons donc sur un thème qui accapare une grande part de nos ressources : la mobilité.
La politique "mobilité" de la Métropole repose en très grande partie sur un projet présenté comme une solution miracle : la 3ᵉ ligne de métro. Il est évident que pour les toulousains et métropolitains qui résident et/ou travaillent à proximité du tracé, cette 3e ligne sera précieuse.
Néanmoins, nous allons démontrer :
que ces personnes ne représentent qu’une petite partie des métropolitains
que l’utilité réelle de ce projet pour le plus grand nombre est finalement très limitée
que ses conséquences sont néfastes
Selon Tisséo, cette ligne transportera 200 000 voyageurs (= validations = déplacements) par jour (1), soit moins de 5 % des 4,6 millions de déplacements quotidiens dans l’aire urbaine toulousaine (2).
5%, c’est 1 sur 20
Retirer 1 voiture sur 20 n’aura qu’un effet marginal sur les bouchons du périphérique, que les Toulousains subissent chaque jour.
Autour des terminus, Saint-Martin-du-Touch ou Labège, une partie significative des salariés habitent en périphérie (Gers, Lauragais), où la voiture restera indispensable. La plupart des axes congestionnés aujourd’hui, comme la route d’Auch, le resteront après la mise en service de la 3ᵉ ligne.
Nous ne faisons que reformuler les avertissements de la Commission nationale du débat public (CNDP) (3), de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) (4) et de la Cour des comptes (5) qui alertaient dès 2016-2017. Les études multimodales de la Préfecture / DREAL (6) publiées en 2023 confirment que la politique actuelle menée aura pour effet :
Augmentation du trafic routier de 17 % (véhicules/km), concentrée sur les voies rapides urbaines.
Accroissement de la population exposée au bruit.
Pas de baisse de la congestion routière.
Dans une réunion publique qui s'est tenue le 5 novembre 2025, le directeur "Grands projets" à Tisséo donnait des ordres de grandeurs qui confirment cette inefficacité :
"on observe un doublement des métros tous les 15 à 20 ans"
Si la capacité de la 3e ligne de métro double et que cette dernière absorbe 10% des déplacements quotidiens en 2045, nous serons largement passés à côté des accords de Paris qui prévoient une division par 5 de nos émissions de GES d'ici 2050, soit une diminution de 80%. (7)
Le raisonnement est le même avec les "600.000 voyageurs" que la 3e ligne pourrait absorber dans "40 à 50 ans". Et par ailleurs, l'atteinte de cet objectif ambitieux ne pourra se faire qu'en urbanisant fortement la plupart des quartiers qui entourent les stations de métro. Nous en parlons dans le paragraphe "les premières victimes" en bas de page.
Comme on peut le deviner en superposant les tracés, une partie des passagers qui utilisera la future ligne C utilise déjà la ligne B aujourd'hui. (Ex : à partir de François Verdier, 2 lignes de métro différentes se rendront à Labège).
Tisséo refuse de publier les estimations de report de trafic. Quelle part des 200.000 voyageurs viendra des lignes existantes? L'information est difficile à obtenir. Les contribuables ont pourtant le droit de savoir pourquoi la majorité choisit délibérément de réduire la fréquentation des infrastructures pour lesquelles ils ont déjà payé des impôts.
Le projet, initialement estimé à 1,7 milliard d’euros en 2015 (8), a été réévalué à 2,4 milliards en 2017 (9), puis à 3,4 milliards en 2022 (10).
Des incidents voire accidents graves se sont produits :
2024 : effondrement d’un tablier causant un accident mortel (11) ;
2025 : effondrements de terrain (12) ;
2025 : déploiement de moyens pour réaliser des sondages préventifs sur le parcours.
Il existe une enveloppe de provision pour faire face aux risques, mais ces incidents et accidents ont nécessairement un impact :
sur le planning et/ou
sur la réévaluation de cette enveloppe, et donc, sur le budget global.
Dans quelle mesure?
L'accès à l'information est difficile. Rien que pour les investigations préventives, Tisséo prendra en charge les dédommagements futurs qui risquent de se chiffrer « à plusieurs centaines de milliers d’euros ». (13)
Archipel Citoyen analyse précisément les retards du chantier (14):
Où en est le creusement ?
8 km ont été creusés ; 13 km restent à percer.
Marguerite de Castellan a commencé le 6 août 2024 et est arrivée le 13 octobre 2025 après environ 4 000 m de creusement, soit 9,7 m/jour en moyenne.
Selon le site officiel, Berthe de Puybusque — le plus en retard — doit encore creuser ≈ 3 700 m. À 9,7 m/jour de moyenne, fin théorique : novembre 2026.
S’ajoute une contrainte majeure : Berthe de Puybusque doit réaliser deux sections. Il faudra le démonter et le sortir à Pont-Jumeaux, puis le redescendre à La Vache pour repartir vers Raisin. Dans ces conditions, difficile d’imaginer la fin du creusement avant fin T1 2027. C’est le chemin critique du projet.
Ouverture en 2028 ? Très improbable
Les retours d’expérience comparables (ex. ligne 14 à Paris, prolongements nord et sud) montrent qu’il faut en moyenne plus de trois ans entre la fin du creusement et l’ouverture au public.
Dès lors, une ouverture fin 2028, comme l’affirme le maire sortant, paraît improbable.
La majorité cache des informations et/ou ne les diffuse qu’en petit comité, en conseil syndical de Tisséo. Les citoyens, les électeurs, les contribuables ont le droit à la transparence.
En l’absence d’information :
il est raisonnable de prévoir que le coût continue d’augmenter
on peut estimer le coût final à 5 milliards d’euros (La Dépêche estimait en 2023 le coût final à 6 milliards en euros constants (15)).
Privés de moyens financiers, les 95 % des trajets réalisés par les habitants de la Métropole ne seront pas absorbés par la 3ᵉ ligne. La très grande majorité de celles et ceux qui utilisent leur voiture aujourd’hui continueront demain de perdre leur temps et leur argent dans les bouchons du périphérique.
5 milliards d’euros, c’est près d’un demi-siècle de budget de la culture, jeunesse et sports :
40 ans de budget Culture, Jeunesse et Sports (130 M€/an) (16).
30 ans de budget Éducation (163 M€/an) (16).
10 000 € d’impôts en moyenne pour chacun des 500.000 foyers de Toulouse et sa première couronne (même pour ceux qui n'utiliseront peu ou pas cette 3e ligne)
Répartition du budget prévisionnel 2025 (fonctionnement) de la Mairie de Toulouse
Avant l’arrivée de la majorité actuelle à la mairie et métropole, Toulouse était un modèle éducatif. Le taux d’encadrement dans les CLAE était d’un adulte pour 14 enfants dans les écoles élémentaires et un pour 10 dans les maternelles.
La majorité à décidé de faire des économies sur nos enfants en passant ce taux d’encadrement au minimum légal à 1 pour 18 pour les élémentaires et 1 pour 14 dans les maternelles (17).
Les professionnels de l’éducation déplorent l’évolution des conditions de travail dans les structures du péri-scolaire, de l’extra-scolaire. Régulièrement, les personnels travaillant dans les écoles, qu’il relèvent de la fonction publique territoriale ou d’Etat font grève pour dénoncer leurs conditions de travail (18).
Les alertes dans le milieu de la culture sont également nombreuses. La situation du théâtre du grand rond où se rendent de nombreux scolaires est un symbole de cette dégradation générale. Du fait de la baisse des moyens qui lui sont accordés, le théâtre du grand rond prévoit une fermeture à l’été 2026. (19)
Nous consacrerons peu d’énergie à dénoncer les dérives que d’autres couleurs politiques dénoncent plus précisément et plus efficacement que nous.
Le présent
Peu de toulousains réalisent que la billetterie couvre moins de 20 % du budget de fonctionnement de Tisséo (20). Près des 2/3 du budget de fonctionnement du syndicat est financé par la taxe « versement mobilité » que paient les entreprises de plus de 10 salariés situées dans le périmètre géographique de Tisséo (soit 114 communes et plus d'un million d'habitants).
Extrait du rapport d'activité Tisséo 2024
Le passé
Le "versement mobilité" a déjà augmenté de 50% depuis l'arrivée de Jean-Luc Moudenc au Capitole en 2014.
Evolution de la taxe "Versement mobilité" (en M€) payée par les entreprises de plus de 10 salariés. Source Tisséo (22)
Le futur
Sous cette majorité, prétendument de droite, prétendument favorable aux entreprises, cette taxe dépasserait le demi-milliard par an en 2040 et atteindrait 600M€ … une pression fiscale à laquelle le MEDEF a raison de s’opposer (21).
Nous tenons cette information de l'Etude de Soutenabilité Budgétaire que la majorité a toujours refusé de révéler au grand public, aux contribuables, et dont voici ci-dessous un graphique explicite.
Cela reviendrait à un doublement par rapport à l'année 2021 (300M€ perçus cette année-là). Mais qui peut croire que l'activité économique ou la population aura doublé entre 2021 et 2040 sur l'aire urbaine ? Que celles et ceux qui accordent de la crédibilité à ce scénario nous écrivent à nouvelair.toulouse@gmail.com. Nous avons hâte de prendre connaissance de leurs hypothèses.
Projection de l'évolution de la taxe "versement mobilité"
Extrait de l'Etude de Soutenabilité Budgétaire
version 6 - novembre 2024
Par ailleurs, dans un article de Challenges publié en 2023 (21), Jean-Luc Moudenc assume cette position et "demande au gouvernement de déplafonner le "versement mobilité" des entreprises, une taxe qui ne peut excéder 2 % de la masse salariale. Un changement qui nécessite une nouvelle loi.”
Il ne s’agit même pas de revendiquer une hausse ou une baisse de la fiscalité des entreprises. Nouvel Air exprime une exigence basique : si une hausse de la fiscalité est décidée, elle devrait impérativement se traduire par une amélioration de la qualité de vie des salariés et une réduction de la congestion routière. Comme expliqué, il y a peu de chances que l’un ou l’autre se produisent.
Mais alors… pourquoi avoir lancé un projet aussi coûteux que futile?
Dans un article publié en 2019 (23), Jean-Michel Lattes (Président de Tisséo) révèle d’une façon étonnamment transparente que l’idée de la 3ᵉ ligne a été lancée “sans étude technique”, comme un coup politique pour redynamiser la campagne de Jean-Luc Moudenc en 2014 : “Les sondages nous étaient alors assez défavorables [...] ce sujet a ramené le débat autour de nous… [...] nous tenions enfin notre projet moteur [...] pour notre campagne”.
Le premier objectif était de permettre à Jean-Luc Moudenc de regagner le Capitole. Il est en effet facile de créer du consensus autour d’un projet de métro :
il est facile de séduire certains écologistes et partisans des transports en commun ;
il permet de garantir au secteur des travaux publics et du bâtiment des années voire des décennies d’activité.
Mais cette ambition aura des conséquences graves sur la qualité de vie des toulousains:
les restrictions sur la culture, l’éducation
une congestion persistante du réseau routier métropolitain
une dégradation de la compétitivité des entreprises et des finances publiques
Au cours du mandat qui se termine, aucun élu n’a été capable de confronter cet argumentaire. Nous proposons à n’importe quel candidat de la majorité sortante de relever ce défi. Toutes celles et ceux qui trouveraient une erreur sont invités à l’exprimer à nouvelair.toulouse@gmail.com . Nous considérerons toute contribution constructive avec respect.
A la lecture de cette analyse, les candidats de la majorité qui réaliseraient avoir été embarqués dans une démarche qui ne correspond finalement pas à leurs valeurs sont invités à nous contacter et à nous rencontrer.
Le projet de jonction Est (100 M€), bien moins coûteux, illustre une logique court-termiste :
Désengorgement temporaire : à court terme, il fluidifie le trafic, mais en réduisant les temps de parcours, il encourage l’étalement urbain (lotissements éloignés, dépendance accrue à la voiture).
Artificialisation de 20Ha ... alors que la préservatoin des terres arables est un enjeu déjà critique.
Bouchons futurs : les nouveaux habitants, dépendants de la voiture, viendront congestionner à nouveau le réseau à moyen terme (24).
En 2026, si nous sommes aux responsabilités, nous interromprons ce projet. C’est l’un des projets pour lesquels il sera possible de faire marche arrière si une alternative à la majorité sortante est élue.
Nous avons déjà 3 000 kms de voirie sous la responsabilité de la métropole… consacrons déjà des ressources pour prendre soin du réseau existant.
Ces deux projets porteront préjudice aux habitants des quartiers Côte Pavée, La Terrasse, Limayrac :
La jonction Est transformera ces quartiers en terrain de jeu pour automobilistes pressés qui utiliseront leur GPS pour rejoindre, traverser ou sortir du périphérique et échapper aux bouchons. Ces quartiers résidentiels perdront leur tranquillité.
La 3e ligne de métro augmentera la pression foncière sur plusieurs centaines de mètres autour des stations. Avec l’actuelle majorité, tous les habitants peuvent désormais craindre de voir pousser un R+3 / 4 / 5 qui offriraient à ses occupants une vue plongeante sur les jardins de ces quartiers résidentiels.
"J'assume d'être un maire bâtisseur"
Jean-Luc Moudenc - Le Point - Octobre 2025 (25)
Sur la vue ci-dessous, un disque de 500m de rayon a été tracé autour des futures stations. Sur ces zones rouges, la pression foncière et le risque de voir des immeubles pousser à proximité de maisons seront forts.
La 3ᵉ ligne est déjà trop avancée pour être interrompue. Elle se fera, quoi qu’il arrive. Mais il est important de prendre conscience du constat que nous dressons pour prendre les mesures qui s’imposent :
Le plus important : changer de majorité, et mettre en place des élus les plus lucides, transparents et honnêtes possibles, privilégiant des solutions pragmatiques et financièrement responsables.
Éviter de répéter les mêmes erreurs : opter pour des solutions peu coûteuses, afin de respecter les taxes payées par les entreprises et de ne pas alourdir leur charge fiscale.
200.000 voyageurs/j : Site de la 3e ligne
Chiffres Tisséo (2023) : Enquête mobilité EMC² 2023 ↩
4,6 M de déplacements/jour
1,4 M d’habitants (3,5 déplacements/personne)
674 000 ménages × 1,25 voiture/ménage = 842 500 véhicules. ↩
PCEAT :
Site de la métropole
Empreinte carbone d'un français : un peu moins de 10T CO2/an :
9,9T en 2019 : Carbone 4
9,4T en 2023 : Gouvernement
Neutralité carbone : 2T CO2/an :
Coût initial (2015) : La Dépêche
Coût intermédiaire (2017) : Actu Toulouse, La Dépêche
Coût révisé (2022) : Le Journal Toulousain
Effondrement d’un tablier (2024) : BFMTV
Effondrement de terrain sur le passage des tunneliers (2025) : La Dépêche
Sur-coûts associés à la 3e ligne (2025) : Ville Rail Transport
Retards du chantier analysés par Archipel Citoyen (2025) : site web d'Archipel Citoyen
6 milliards d’€ (2023) : La Dépêche
Budget 2025 :
Réduction du taux d’encadrement (2021) : L’Opinion
Grève dans les écoles (2022) :
Fermeture prévue du théâtre du grand rond à l’été 2026 (2025):
Rapports d'activité Tisséo (2019 à 2024) : site web Tisséo
Article Challenges sur le versement mobilité (2023) : Lien ↩
Témoignage de Jean-Michel Lattes (2019) : Actu Toulouse ↩
Augmenter le réseau routier fluidifie-t-il ?
Maire bâtisseur (2025) : Le point